Distance ultramétrique

En mathématiques, et plus précisément en topologie, une distance ultramétrique est une distance d sur un ensemble E vérifiant l'inégalité ultratriangulaire :

d ( x , z ) max ( d ( x , y ) , d ( y , z ) ) {\displaystyle d(x,z)\leq \max(d(x,y),d(y,z))} .

Un espace métrique dont la distance vérifie cette propriété est dit ultramétrique[1].

Définition et exemples

Soit E un ensemble ; on appelle distance ultramétrique (sur E) une application d : E × E R + {\displaystyle d:\mathrm {E} \times \mathrm {E} \rightarrow \mathbb {R} ^{+}} vérifiant les propriétés suivantes :

Nom Propriété
symétrie x , y E ,   d ( x , y ) = d ( y , x ) {\displaystyle \forall x,y\in \mathrm {E} ,\ d(x,y)=d(y,x)}
séparation x , y E ,   d ( x , y ) = 0 x = y {\displaystyle \forall x,y\in \mathrm {E} ,\ d(x,y)=0\Leftrightarrow x=y}
inégalité ultratriangulaire[2] x , y , z E ,   d ( x , z ) max ( d ( x , y ) , d ( y , z ) ) {\displaystyle \forall x,y,z\in \mathrm {E} ,\ d(x,z)\leq \max(d(x,y),d(y,z))}

Compte tenu de la symétrie, l'inégalité ultratriangulaire signifie que dans un triangle, la longueur de chaque côté est inférieure ou égale à la plus grande des longueurs des deux autres côtés (donc à la somme de ces deux longueurs, ce qu'exprime l'inégalité triangulaire).

Distance triviale

Tout ensemble peut être muni de la distance dite triviale ou discrète définie par:

d ( x , y ) = { 0 si  x = y 1 si  x y {\displaystyle d(x,y)={\begin{cases}0&{\text{si }}x=y\\1&{\text{si }}x\neq y\end{cases}}}

L'inégalité

d ( x , z ) max ( d ( x , y ) , d ( y , z ) ) {\displaystyle d(x,z)\leq \max(d(x,y),d(y,z))}

est vraie, que x soit égal à z ou non. Il s'agit donc d'une distance ultramétrique.

Distance p-adique sur l'ensemble ℚ

Article détaillé : Nombre p-adique.

Pour un nombre premier p, on peut définir la valuation p-adique v p ( r ) {\displaystyle v_{p}(r)} de tout nombre rationnel r non nul.

On prouve facilement que cette application vérifie

v p ( r + r ) inf ( v p ( r ) , v p ( r ) ) {\displaystyle v_{p}(r+r')\geq \inf(v_{p}(r),v_{p}(r'))} et v p ( r ) = v p ( r ) . {\displaystyle v_{p}(-r)=v_{p}(r).}

On définit alors la distance p-adique sur ℚ par :

d ( x , y ) = { 0 si  x = y p v p ( x y ) si  x y {\displaystyle d(x,y)={\begin{cases}0&{\text{si }}x=y\\p^{-v_{p}(x-y)}&{\text{si }}x\neq y\end{cases}}}

La propriété précédente de v p {\displaystyle v_{p}} conduit facilement à l'inégalité ultramétrique. Les deux autres vérifications sont aisées.

Il s'agit donc bien d'une distance ultramétrique sur ℚ[3].

Autres exemples

  • Soient X un ensemble quelconque et E = X l'ensemble des suites à valeurs dans X. On munit E d'une structure d'espace ultramétrique complet en posant k ( x , y ) = inf { n N x n y n } {\displaystyle k(x,y)=\inf\{n\in \mathbb {N} \mid x_{n}\neq y_{n}\}} (autrement dit : k ( x , x ) = + {\displaystyle k(x,x)=+\infty } et si x y {\displaystyle x\neq y} , k ( x , y ) {\displaystyle k(x,y)} est le rang du premier terme où les deux suites diffèrent), puis d ( x , y ) = 1 1 + k ( x , y ) {\displaystyle d(x,y)={\frac {1}{1+k(x,y)}}} [4],[5]ou encore, pour un réel a > 1 {\displaystyle a>1} arbitraire : d a ( x , y ) = a k ( x , y ) {\displaystyle d_{a}(x,y)=a^{-k(x,y)}} [6],qui est une distance uniformément équivalente à d {\displaystyle d} .Pour X = {0, 1}, on obtient l'espace de Cantor et pour X = ℕ, l'espace de Baire.
  • En génétique, la distance entre génotypes le long des branches d'un arbre phylogénétique peut être mesurée par une distance ultramétrique.[réf. souhaitée]

Propriétés

Voici quelques propriétés[7] d'un espace ultramétrique, qui semblent aller contre l'intuition.

  • Il n'existe pas de boules sécantes, en ce sens que si deux boules ouvertes (ou deux boules fermées) ont un point commun, alors l'une contient l'autre :
    B ( a , r ) B ( a , r )  et  r r B ( a , r ) B ( a , r ) {\displaystyle B(a,r)\cap B(a',r')\neq \varnothing {\text{ et }}r\leq r'\Rightarrow B(a,r)\subset B(a',r')} .
  • Tout point d'une boule en est un centre :
    x B ( a , r ) B ( x , r ) = B ( a , r ) {\displaystyle \forall x\in B(a,r)\quad B(x,r)=B(a,r)} .
  • Dans un espace métrique, toute boule ouverte est ouverte, toute boule fermée est fermée. Dans un espace ultramétrique, on a de plus :
    Toute boule fermée de rayon non nul est ouverte. Toute boule ouverte est fermée.
    Par conséquent, tout espace topologique ultramétrisable est de dimension nulle donc totalement discontinu, c'est-à-dire que ses composantes connexes sont les singletons.
  • Étant donné trois points, les deux plus proches sont à la même distance du troisième, autrement dit : « tout triangle est isocèle et sa base est au plus égale aux côtés égaux[8] », ce qui s'écrit aussi :
    d ( x , y ) d ( y , z ) d ( x , z ) = max ( d ( x , y ) , d ( y , z ) ) {\displaystyle d(x,y)\neq d(y,z)\Rightarrow d(x,z)=\max(d(x,y),d(y,z))} .
  • Pour qu'une suite ( x n ) {\displaystyle (x_{n})} soit de Cauchy, il suffit que d ( x n , x n + 1 ) 0. {\displaystyle d(x_{n},x_{n+1})\to 0.}

Application

Soit X un ensemble muni d'une distance ultramétrique d, et soit r un nombre positif. L'ensemble des boules de rayon r définies sur X constitue une partition de X. En faisant croître r à partir de 0, on forme une chaîne de finesse entre ces partitions, de la plus fine (partition discrète pour r = 0) à la moins fine (partition universelle pour r maximal). C'est une des bases de la classification automatique par regroupement hiérarchique[9].

Voir aussi

Notes et références

  1. Cette notion a été introduite par Marc Krasner, « Nombres semi-réels et espaces ultramétriques », Comptes rendus hebdomadaires des séances de l'Académie des sciences, vol. 219, no 2,‎ , p. 433-435 (lire en ligne), qui signale : « Les seuls espaces ultramétriques considérés jusqu'à présent semblent être les corps et les algèbres valués ».
  2. Modèles dyadiques, Terence Tao, 27 Juillet 2007 : https://terrytao.wordpress.com/2007/07/27/dyadic-models/
  3. Jean-Luc Verley, Espaces métriques, dans Dictionnaire des mathématiques ; algèbre, analyse, géométrie, éd. Albin Michel, p. 652-653.
  4. Rectification du problème 1.b de Jean Dieudonné, Éléments d'analyse, t. I : Fondements de l'analyse moderne [détail des éditions], chap. III, § 14, aperçu de l'édition en anglais sur Google Livres.
  5. En particulier, d ( x , x ) = 1 1 + = 0 {\displaystyle d(x,x)={\frac {1}{1+\infty }}=0} .
  6. En particulier, d ( x , x ) = a = 0 {\displaystyle d(x,x)=a^{-\infty }=0} .
  7. Pour leur démonstration, voir par exemple cet exercice corrigé sur Wikiversité.
  8. (en) Emil Artin, Algebraic Numbers and Algebraic Functions, AMS, , 349 p. (ISBN 978-0-8218-4075-7, lire en ligne), p. 44.
  9. I. C. Lerman, Les bases de la classification automatique, Gauthier-Villars, 1970.
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